Explorer la sphère sinophone à Taïwan : perspectives et surprises

Explorer la sphère sinophone à Taïwan : perspectives et surprises
Taïwan. Photo par ‪Joel Fulgencio sur Unsplash.

Au printemps 2025, j’ai passé trois mois au Centre d’études chinoises de l’Université nationale de Taïwan, où j’ai examiné la question de Taïwan en tant que tremplin pour découvrir la sphère sinophone, c’est-à-dire la République populaire de Chine (RPC) et Taïwan (officiellement la République de Chine). J’en ai conclu que Taïwan peut constituer une plateforme


Au printemps 2025, j’ai passé trois mois au Centre d’études chinoises de l’Université nationale de Taïwan, où j’ai examiné la question de Taïwan en tant que tremplin pour découvrir la sphère sinophone, c’est-à-dire la République populaire de Chine (RPC) et Taïwan (officiellement la République de Chine). J’en ai conclu que Taïwan peut constituer une plateforme précieuse pour ceux qui souhaitent acquérir des compétences sur la Chine et étudier l’Asie, ainsi que les relations internationales et les affaires mondiales de manière plus générale. Tirer parti de l’expertise de Taïwan peut fournir des informations sur la sphère sinophone, les relations entre les deux rives du détroit et les questions régionales en Asie du Nord-Est, en Asie du Sud-Est et dans la région indo-pacifique.


En outre, le développement de Taïwan au cours des 30 dernières années fournit des raisons supplémentaires d’explorer Taïwan en tant que telle : le dynamisme économique et les prouesses technologiques de Taïwan, son évolution démocratique et son adhésion à des valeurs sociales progressistes. 

Vivre en Chine et à Taïwan et comprendre les perspectives des personnes issues du monde sinophone peuvent offrir une expérience transformatrice et constituer une base solide pour une carrière dans les secteurs public, privé et à but non lucratif, ainsi que dans le milieu universitaire. 

Qu’est-ce qui a motivé cette recherche ? 

Le Canada a un besoin constant de personnes compétentes sur la Chine, qui comprennent la sphère sinophone des deux côtés du détroit de Taïwan et qui connaissent bien les perspectives régionales asiatiques sur la Chine et Taïwan.

Compte tenu de l’intensification de la concurrence géopolitique et de l’état des relations entre le Canada et la Chine, certains Canadiens hésitent à se rendre en République populaire de Chine à des fins universitaires, pour étudier ou mener des recherches.  

Dans ce contexte, Taïwan constitue un précieux tremplin pour découvrir la sphère sinophone, sans les considérations politiques ou sécuritaires liées à la République populaire de Chine. 

Bien sûr, les opinions des spécialistes de la Chine à Taïwan ont leurs limites. Il convient donc de faire preuve d’esprit critique face à d’éventuels biais et d’être capable d’évaluer si les conclusions tirées sont étayées par les preuves fournies.

Taïwan m’a réservée quelques surprises 

L’une des choses qui m’a surprise est l’étendue des relations académiques continues entre les spécialistes de la Chine à Taïwan et leurs homologues en Chine continentale.  

Bien sûr, le niveau de collaboration et d’échanges universitaires entre les professeurs, les étudiants et les chercheurs des deux côtés du détroit de Taïwan a considérablement diminué depuis son apogée il y a plus de dix ans, mais cet engagement reste important et certainement plus étendu que la collaboration universitaire entre le Canada et la République populaire de Chine depuis le ralentissement de nos relations bilatérales. Les Canadiens ont donc beaucoup à apprendre des observateurs avertis de la Chine à Taïwan sur leurs observations des développements économiques, politiques et sociaux en Chine.

Une autre chose qui m’a surprise à Taïwan est le nombre et la diversité des cours dispensés en anglais dans les universités taïwanaises. Il y a plusieurs raisons à cela, notamment la promotion par Taïwan de l’enseignement bilingue en mandarin et en anglais, et son intérêt à attirer des étudiants internationaux et, à terme, des travailleurs qualifiés pour soutenir la croissance économique de Taïwan. Il en résulte que pour ceux qui ne parlent pas couramment le chinois, il existe de nombreux cours disponibles en anglais et même des diplômes entiers dispensés en anglais au niveau du premier cycle et des cycles supérieurs. 

Pourquoi est-ce important ? 

L’accès direct aux experts en République populaire de Chine par les chercheurs, analystes, journalistes et diplomates internationaux se réduit, en raison des contraintes idéologiques en Chine qui découragent ce type d’interaction. 

En conséquence, la valeur de l’expertise sur la Chine disponible à Taïwan est de plus en plus reconnue. Pour les Canadiens et les autres observateurs internationaux de la Chine, le fait de tirer parti de cette expertise peut fournir des informations et des perspectives difficiles à trouver en dehors de la sphère d’influence chinoise. 

Comme l’a déclaré un politologue taïwanais chevronné, « nous ne devons pas laisser le spectre de la diabolisation de la Chine nous empêcher de comprendre ce qui se passe actuellement  dans ce pays ».

Ce spectre de la diabolisation jette une ombre longue, y compris au Canada. 

Quelle que soit l’opinion que l’on puisse avoir sur l’orientation et les politiques de la République populaire de Chine, le Canada a besoin de personnes qui comprennent bien ce qui se passe actuellement en Chine. 

Le recours à des spécialistes de la Chine à Taïwan peut aider à éclaircir cette question, comme je l’explique en détail dans mon rapport.

Post-scriptum : 

Lorsque j’ai donné une conférence sur ces recherches à l’Université d’Ottawa le 19 novembre 2025, organisée par le Centre d’études politiques internationales et la Chaire de recherche en études taïwanaises, j’ai été impressionnée par le nombre de participants et par le fait que les étudiants de premier et de deuxième cycles envisageaient sérieusement de participer à des échanges ou à des recherches de troisième cycle à Taïwan. Cela s’explique en partie par le fait que l’Université d’Ottawa est l’une des trois universités canadiennes à proposer un programme d’études taïwanaises et que plusieurs membres du corps professoral s’intéressent de près à la recherche sur Taïwan, comme les professeurs André Laliberté et Scott Simon. La professeure Pascale Massot et moi-même étions à Taipei au même moment grâce à des bourses d’études taïwanaises qui se chevauchaient. J’ai été encouragée par l’enthousiasme des étudiants pour l’apprentissage de la sphère sinophone et des perspectives asiatiques, ainsi que par la manière dont leurs professeurs cultivaient cet enthousiasme.  

Julia G. Bentley est une ancienne diplomate canadienne dont le travail s’est principalement concentré sur l’Asie. Elle a occupé des fonctions diplomatiques en Chine, à Taïwan, en Inde et en Malaisie, où elle a été haute-commissaire. Elle a également occupé des postes exécutifs successifs à Ottawa responsables pour l’Asie du Nord-Est ainsi que pour l’Asie du Sud. Elle a pris sa retraite en 2024 et est désormais affiliée à la Munk School de l’université de Toronto, au York Centre for Asian Research, à la Fondation Asie-Pacifique du Canada et au Centre d’études chinoises de l’université nationale de Taïwan. Au printemps 2025, elle a obtenu une bourse d’études à Taiwan pour y mener trois mois de recherches sur le terrain. Ses recherches ont été financées par cette bourse offerte par le Ministère des Affaires étrangères de Taïwan et par une subvention du China Insights Fund de l’université York. Les opinions exprimées ici sont les siennes.

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Taïwan. Photo par ‪Joel Fulgencio sur Unsplash.

Au printemps 2025, j’ai passé trois mois au Centre d’études chinoises de l’Université nationale de Taïwan, où j’ai examiné la question de Taïwan en tant que tremplin pour découvrir la sphère sinophone, c’est-à-dire la République populaire de Chine (RPC) et Taïwan (officiellement la République de Chine). J’en ai conclu que Taïwan peut constituer une plateforme


Au printemps 2025, j’ai passé trois mois au Centre d’études chinoises de l’Université nationale de Taïwan, où j’ai examiné la question de Taïwan en tant que tremplin pour découvrir la sphère sinophone, c’est-à-dire la République populaire de Chine (RPC) et Taïwan (officiellement la République de Chine). J’en ai conclu que Taïwan peut constituer une plateforme précieuse pour ceux qui souhaitent acquérir des compétences sur la Chine et étudier l’Asie, ainsi que les relations internationales et les affaires mondiales de manière plus générale. Tirer parti de l’expertise de Taïwan peut fournir des informations sur la sphère sinophone, les relations entre les deux rives du détroit et les questions régionales en Asie du Nord-Est, en Asie du Sud-Est et dans la région indo-pacifique.


En outre, le développement de Taïwan au cours des 30 dernières années fournit des raisons supplémentaires d’explorer Taïwan en tant que telle : le dynamisme économique et les prouesses technologiques de Taïwan, son évolution démocratique et son adhésion à des valeurs sociales progressistes. 

Vivre en Chine et à Taïwan et comprendre les perspectives des personnes issues du monde sinophone peuvent offrir une expérience transformatrice et constituer une base solide pour une carrière dans les secteurs public, privé et à but non lucratif, ainsi que dans le milieu universitaire. 

Qu’est-ce qui a motivé cette recherche ? 

Le Canada a un besoin constant de personnes compétentes sur la Chine, qui comprennent la sphère sinophone des deux côtés du détroit de Taïwan et qui connaissent bien les perspectives régionales asiatiques sur la Chine et Taïwan.

Compte tenu de l’intensification de la concurrence géopolitique et de l’état des relations entre le Canada et la Chine, certains Canadiens hésitent à se rendre en République populaire de Chine à des fins universitaires, pour étudier ou mener des recherches.  

Dans ce contexte, Taïwan constitue un précieux tremplin pour découvrir la sphère sinophone, sans les considérations politiques ou sécuritaires liées à la République populaire de Chine. 

Bien sûr, les opinions des spécialistes de la Chine à Taïwan ont leurs limites. Il convient donc de faire preuve d’esprit critique face à d’éventuels biais et d’être capable d’évaluer si les conclusions tirées sont étayées par les preuves fournies.

Taïwan m’a réservée quelques surprises 

L’une des choses qui m’a surprise est l’étendue des relations académiques continues entre les spécialistes de la Chine à Taïwan et leurs homologues en Chine continentale.  

Bien sûr, le niveau de collaboration et d’échanges universitaires entre les professeurs, les étudiants et les chercheurs des deux côtés du détroit de Taïwan a considérablement diminué depuis son apogée il y a plus de dix ans, mais cet engagement reste important et certainement plus étendu que la collaboration universitaire entre le Canada et la République populaire de Chine depuis le ralentissement de nos relations bilatérales. Les Canadiens ont donc beaucoup à apprendre des observateurs avertis de la Chine à Taïwan sur leurs observations des développements économiques, politiques et sociaux en Chine.

Une autre chose qui m’a surprise à Taïwan est le nombre et la diversité des cours dispensés en anglais dans les universités taïwanaises. Il y a plusieurs raisons à cela, notamment la promotion par Taïwan de l’enseignement bilingue en mandarin et en anglais, et son intérêt à attirer des étudiants internationaux et, à terme, des travailleurs qualifiés pour soutenir la croissance économique de Taïwan. Il en résulte que pour ceux qui ne parlent pas couramment le chinois, il existe de nombreux cours disponibles en anglais et même des diplômes entiers dispensés en anglais au niveau du premier cycle et des cycles supérieurs. 

Pourquoi est-ce important ? 

L’accès direct aux experts en République populaire de Chine par les chercheurs, analystes, journalistes et diplomates internationaux se réduit, en raison des contraintes idéologiques en Chine qui découragent ce type d’interaction. 

En conséquence, la valeur de l’expertise sur la Chine disponible à Taïwan est de plus en plus reconnue. Pour les Canadiens et les autres observateurs internationaux de la Chine, le fait de tirer parti de cette expertise peut fournir des informations et des perspectives difficiles à trouver en dehors de la sphère d’influence chinoise. 

Comme l’a déclaré un politologue taïwanais chevronné, « nous ne devons pas laisser le spectre de la diabolisation de la Chine nous empêcher de comprendre ce qui se passe actuellement  dans ce pays ».

Ce spectre de la diabolisation jette une ombre longue, y compris au Canada. 

Quelle que soit l’opinion que l’on puisse avoir sur l’orientation et les politiques de la République populaire de Chine, le Canada a besoin de personnes qui comprennent bien ce qui se passe actuellement en Chine. 

Le recours à des spécialistes de la Chine à Taïwan peut aider à éclaircir cette question, comme je l’explique en détail dans mon rapport.

Post-scriptum : 

Lorsque j’ai donné une conférence sur ces recherches à l’Université d’Ottawa le 19 novembre 2025, organisée par le Centre d’études politiques internationales et la Chaire de recherche en études taïwanaises, j’ai été impressionnée par le nombre de participants et par le fait que les étudiants de premier et de deuxième cycles envisageaient sérieusement de participer à des échanges ou à des recherches de troisième cycle à Taïwan. Cela s’explique en partie par le fait que l’Université d’Ottawa est l’une des trois universités canadiennes à proposer un programme d’études taïwanaises et que plusieurs membres du corps professoral s’intéressent de près à la recherche sur Taïwan, comme les professeurs André Laliberté et Scott Simon. La professeure Pascale Massot et moi-même étions à Taipei au même moment grâce à des bourses d’études taïwanaises qui se chevauchaient. J’ai été encouragée par l’enthousiasme des étudiants pour l’apprentissage de la sphère sinophone et des perspectives asiatiques, ainsi que par la manière dont leurs professeurs cultivaient cet enthousiasme.  

Julia G. Bentley est une ancienne diplomate canadienne dont le travail s’est principalement concentré sur l’Asie. Elle a occupé des fonctions diplomatiques en Chine, à Taïwan, en Inde et en Malaisie, où elle a été haute-commissaire. Elle a également occupé des postes exécutifs successifs à Ottawa responsables pour l’Asie du Nord-Est ainsi que pour l’Asie du Sud. Elle a pris sa retraite en 2024 et est désormais affiliée à la Munk School de l’université de Toronto, au York Centre for Asian Research, à la Fondation Asie-Pacifique du Canada et au Centre d’études chinoises de l’université nationale de Taïwan. Au printemps 2025, elle a obtenu une bourse d’études à Taiwan pour y mener trois mois de recherches sur le terrain. Ses recherches ont été financées par cette bourse offerte par le Ministère des Affaires étrangères de Taïwan et par une subvention du China Insights Fund de l’université York. Les opinions exprimées ici sont les siennes.

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