par Maxime Bergeron Il est encore trop tôt pour qualifier la mission indienne de Justin Trudeau d’échec total. Mais avec une organisation « déficiente », un accueil glacial du gouvernement indien et une couverture médiatique dominée par la question de l’extrémisme sikh et par l’habillement des Trudeau, ce voyage ne passera pas à l’histoire comme un succès,
par Maxime Bergeron
Il est encore trop tôt pour qualifier la mission indienne de Justin Trudeau d’échec total. Mais avec une organisation « déficiente », un accueil glacial du gouvernement indien et une couverture médiatique dominée par la question de l’extrémisme sikh et par l’habillement des Trudeau, ce voyage ne passera pas à l’histoire comme un succès, estime Nipa Banerjee, professeure à la faculté des sciences sociales de l’École de développement international et mondialisation de l’Université d’Ottawa. Elle a répondu aux questions de La Presse.
Q: Que pensez-vous de la mission du premier ministre Trudeau en Inde jusqu’à maintenant ?
R: Je suis un peu déçue de ce que j’ai vu dans les médias. Je suis déçue de voir que l’Inde n’a pas observé certains des protocoles de base. Le premier ministre Trudeau aurait dû être accueilli par le premier ministre de l’Inde, c’est le protocole. Il n’a pas rencontré de membres de haut niveau du gouvernement jusqu’à maintenant. Même si le bureau des affaires étrangères dit que tout le protocole a été respecté, je constate que ce n’est pas le cas. Il aurait dû recevoir un meilleur accueil, d’autant que c’est sa première visite en Inde.
Q: L’organisation de cette mission a-t-elle été bâclée ?
R: Elle a été très déficiente. Vous avez dû voir cet homme, Jaspal Atwal, qui a été invité à Mumbai [Bombay] à la réception de M. Trudeau. Cet homme a été condamné pour la tentative de meurtre d’un ministre de l’Inde en Colombie-Britannique en 1986, et il a aussi été accusé d’avoir tenté d’assassiner Ujjal Dosanjh, l’ancien premier ministre de la Colombie-Britannique. Comment a-t-il pu recevoir une invitation ? Un député libéral canadien a demandé qu’il soit invité, et il s’en est excusé par la suite. Il aurait dû vérifier ses antécédents. Le Haut-Commissariat du Canada en Inde aurait aussi dû faire des vérifications. Il y a eu des manquements de la part de notre gouvernement à cet égard.
Q: La question du séparatisme sikh pourrait-elle expliquer l’accueil froid réservé à Justin Trudeau ?
R: En Inde, beaucoup de gens croient que le Canada soutient le mouvement du Khalistan [qui prône la création d’un État sikh indépendant dans la région du Pendjab, d’où sont originaires la plupart des Canadiens d’origine indienne]. Il y a des gens qui ont cette impression. Je ne crois pas que le Canada ait jamais soutenu formellement ce mouvement, mais cette fois encore, c’est le spin qui a été donné. Je serais surpris que le premier ministre Narendra Modi le croie, mais il a peut-être agi de cette façon envers Justin Trudeau pour plaire aux Indiens. M. Trudeau a quant à lui déjà dit qu’il soutenait une Inde unie.
Q: Est-ce que Justin Trudeau et sa famille en ont trop fait en portant autant de costumes traditionnels différents pendant ce voyage ?
R: Certaines personnes pensent que c’est trop. Je pense plutôt que c’est la façon d’être du premier ministre Trudeau. Je ne serais pas portée à le critiquer à cause de cela. J’ai vu la femme de Stephen Harper, Laureen Harper, porter des habits traditionnels à l’occasion d’une danse en Inde. M. Harper a quant à lui porté le turban traditionnel. Ça s’est fait dans le passé. M. Trudeau est plus jeune, on connaît maintenant sa personnalité et on voit qu’il était très enthousiaste à ce sujet.
Q: Cette mission qui s’achève en Inde constitue-t-elle un échec pour Justin Trudeau ?
R: C’est très difficile à dire. Je blâme davantage ses conseillers, au bureau du premier ministre, ainsi que le Haut-Commissariat du Canada en Inde, que le premier ministre lui-même. Je crois qu’il n’a pas été préparé convenablement. C’est très décevant. Je ne dirais pas que c’est un échec total ; attendons de voir ce qui ressortira de sa rencontre avec le premier ministre Modi [prévue aujourd’hui]. Aussi, n’oublions pas que certains investissements ont été annoncés.
* Certains propos de Mme Banerjee ont été condensés pour faciliter la lecture.
Cet article a d’abord été publié dans La Presse le 23 février 2018.