Trump expliqué par Tocqueville

Président américain élu Donald Trump.

  Donald. J. Trump a gagné, haut la main, les élections américaines et devient le 45e président des États-Unis. La nouvelle est assez surprenante ! Pour une majorité d’observateurs, analystes, firmes de sondages et autres amateurs de boules de cristal, Trump n’avait aucune chance de remporter cette élection. Il est un candidat atypique, sans expérience politique,

 

Donald. J. Trump a gagné, haut la main, les élections américaines et devient le 45e président des États-Unis. La nouvelle est assez surprenante ! Pour une majorité d’observateurs, analystes, firmes de sondages et autres amateurs de boules de cristal, Trump n’avait aucune chance de remporter cette élection. Il est un candidat atypique, sans expérience politique, un affairiste au passé douteux, un menteur patenté et mal vu par « l’establishment », un électron libre largué par son parti, misogyne et, de surcroît, un raciste déclaré. Mais qui diable oserait donner son vote à un type comme celui-là ?

Certes, la réponse aurait pu être « personne » si le monde politique était soumis aux déterminismes physico-mathématiques où les mêmes causes ne peuvent produire que les mêmes effets, mais, hélas, ce n’est pas le cas quoi qu’en disent ceux qui veulent soumettre l’action et le comportement de l’homme à des lois semblables à celles des sciences physiques.

Donald J. Trump n’est autre que le produit de son environnement. Il est le reflet d’une ou des réalités américaines que certains cherchent, en vain, à cacher, à ignorer ou à dénaturer. Disons-le, il y a un problème américain, une crise américaine ! L’Amérique rurale n’est pas l’Amérique des grandes villes. L’Amérique des Blancs n’est pas l’Amérique des Noirs et surtout l’Amérique de Wall Street et de la Maison-Blanche n’est pas l’Amérique de « Joe the plumber ».

Alexis de Tocqueville, fin connaisseur de la démocratie aux États-Unis, disait, il y a déjà deux siècles, qu’« on peut considérer le moment de l’élection du président des États-Unis comme une époque de crise nationale», en confirmant dans un autre passage que « plus la situation intérieure d’un pays est embarrassée, et plus ses périls extérieurs sont grands, plus ce moment de crise est dangereux pour lui ». Le clivage entre les riches et les pauvres, entre les Blancs et les Noirs, entre les hommes et les femmes, l’embourbement dans des conflits interminables au Moyen-Orient et ailleurs, la multiplication des attaques terroristes contre les intérêts américains ne sont que quelques exemples de la situation embarrassée des États-Unis.

Homme d’affaires aguerri, Donald Trump a su comprendre et tirer avantage de ces problèmes en profitant d’une adversaire au passé contestable et dont la sincérité et l’authenticité sont mises à rude épreuve ; une adversaire représentant le « changement dans la continuité » d’un « establishment » déconnecté de la réalité d’un peuple divisé et en proie à toutes les formes de lassitudes. Pour les Américains, l’élection du président est le meilleur moment pour exprimer leur désarroi et pour se servir «en général, du nom du candidat à la présidence comme d’un symbole; ils personnifient en lui leurs théories», pour reprendre les mots de Tocqueville. C’est un moment propice pour que les Américains « sortent un moment de la dépendance pour indiquer leur maître, et y rentrent ».

Paradoxalement, un milliardaire qui se vante de ne pas payer ses impôts est devenu le symbole de l’antisystème, le symbole de ce désir de changement ! Si on suit le raisonnement de Tocqueville, Trump ne peut naître que de ces décombres, car «les vices des gouvernants et l’imbécillité des gouvernés ne tarderaient pas à en amener la ruine; et le peuple, fatigué de ses représentants et de lui-même, créerait des institutions plus libres, ou retournerait bientôt s’étendre aux pieds d’un seul maître. » Il est vrai que les Américains chérissent leur constitution dont la liberté et l’égalité sont les clés de voûte, mais «il dépend [d’eux] que l’égalité les conduise à la servitude ou à la liberté, aux lumières ou à la barbarie, à la prospérité ou aux misères ». Wait and see!

Cet article a été publié pour la première fois dans The Huffington Post le 12 novembre 2016.

 

 

 

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Le blogue du CÉPI est écrit par des spécialistes en la matière.

Les blogs CIPS sont protégés par la licence Creative Commons: Attribution – Pas de Modification 4.0 International (CC BY-ND 4.0).


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Président américain élu Donald Trump.

  Donald. J. Trump a gagné, haut la main, les élections américaines et devient le 45e président des États-Unis. La nouvelle est assez surprenante ! Pour une majorité d’observateurs, analystes, firmes de sondages et autres amateurs de boules de cristal, Trump n’avait aucune chance de remporter cette élection. Il est un candidat atypique, sans expérience politique,

 

Donald. J. Trump a gagné, haut la main, les élections américaines et devient le 45e président des États-Unis. La nouvelle est assez surprenante ! Pour une majorité d’observateurs, analystes, firmes de sondages et autres amateurs de boules de cristal, Trump n’avait aucune chance de remporter cette élection. Il est un candidat atypique, sans expérience politique, un affairiste au passé douteux, un menteur patenté et mal vu par « l’establishment », un électron libre largué par son parti, misogyne et, de surcroît, un raciste déclaré. Mais qui diable oserait donner son vote à un type comme celui-là ?

Certes, la réponse aurait pu être « personne » si le monde politique était soumis aux déterminismes physico-mathématiques où les mêmes causes ne peuvent produire que les mêmes effets, mais, hélas, ce n’est pas le cas quoi qu’en disent ceux qui veulent soumettre l’action et le comportement de l’homme à des lois semblables à celles des sciences physiques.

Donald J. Trump n’est autre que le produit de son environnement. Il est le reflet d’une ou des réalités américaines que certains cherchent, en vain, à cacher, à ignorer ou à dénaturer. Disons-le, il y a un problème américain, une crise américaine ! L’Amérique rurale n’est pas l’Amérique des grandes villes. L’Amérique des Blancs n’est pas l’Amérique des Noirs et surtout l’Amérique de Wall Street et de la Maison-Blanche n’est pas l’Amérique de « Joe the plumber ».

Alexis de Tocqueville, fin connaisseur de la démocratie aux États-Unis, disait, il y a déjà deux siècles, qu’« on peut considérer le moment de l’élection du président des États-Unis comme une époque de crise nationale», en confirmant dans un autre passage que « plus la situation intérieure d’un pays est embarrassée, et plus ses périls extérieurs sont grands, plus ce moment de crise est dangereux pour lui ». Le clivage entre les riches et les pauvres, entre les Blancs et les Noirs, entre les hommes et les femmes, l’embourbement dans des conflits interminables au Moyen-Orient et ailleurs, la multiplication des attaques terroristes contre les intérêts américains ne sont que quelques exemples de la situation embarrassée des États-Unis.

Homme d’affaires aguerri, Donald Trump a su comprendre et tirer avantage de ces problèmes en profitant d’une adversaire au passé contestable et dont la sincérité et l’authenticité sont mises à rude épreuve ; une adversaire représentant le « changement dans la continuité » d’un « establishment » déconnecté de la réalité d’un peuple divisé et en proie à toutes les formes de lassitudes. Pour les Américains, l’élection du président est le meilleur moment pour exprimer leur désarroi et pour se servir «en général, du nom du candidat à la présidence comme d’un symbole; ils personnifient en lui leurs théories», pour reprendre les mots de Tocqueville. C’est un moment propice pour que les Américains « sortent un moment de la dépendance pour indiquer leur maître, et y rentrent ».

Paradoxalement, un milliardaire qui se vante de ne pas payer ses impôts est devenu le symbole de l’antisystème, le symbole de ce désir de changement ! Si on suit le raisonnement de Tocqueville, Trump ne peut naître que de ces décombres, car «les vices des gouvernants et l’imbécillité des gouvernés ne tarderaient pas à en amener la ruine; et le peuple, fatigué de ses représentants et de lui-même, créerait des institutions plus libres, ou retournerait bientôt s’étendre aux pieds d’un seul maître. » Il est vrai que les Américains chérissent leur constitution dont la liberté et l’égalité sont les clés de voûte, mais «il dépend [d’eux] que l’égalité les conduise à la servitude ou à la liberté, aux lumières ou à la barbarie, à la prospérité ou aux misères ». Wait and see!

Cet article a été publié pour la première fois dans The Huffington Post le 12 novembre 2016.

 

 

 

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