Trump, le nucléaire iranien et le pacta sunt servanda

M. Trump a promis de «déchirer» l’accord nucléaire conclu avec l’Iran.www.Futureatlas.com

Donald J. Trump sera le nouveau locataire de la Maison-Blanche après une campagne électorale cauchemardesque pendant laquelle «toutes les passions factices que l’imagination peut créer» se sont déchainées et pendant laquelle «la nation [est] tomb[é]e dans état fébrile» pour reprendre les mots d’Alexis de Tocqueville. S’adressant à sa base électorale, M. Trump a promis de

Donald J. Trump sera le nouveau locataire de la Maison-Blanche après une campagne électorale cauchemardesque pendant laquelle «toutes les passions factices que l’imagination peut créer» se sont déchainées et pendant laquelle «la nation [est] tomb[é]e dans état fébrile» pour reprendre les mots d’Alexis de Tocqueville. S’adressant à sa base électorale, M. Trump a promis de «déchirer» l’accord nucléaire conclu avec l’Iran. Certes, le mot est fort, mais il n’est pas le premier à l’utiliser. À titre d’exemple, les annales de l’histoire nous rapportent que lors de la Première Guerre mondiale, le chancelier allemand Theobald von Bethmann Hollweg avait qualifié le traité confirmant la neutralité belge de «chiffon de papier» ! Cependant, contrairement à ce qui est véhiculé par les medias, je pense que cette promesse n’a rien d’étonnant ou de surprenant !

En faisant cette promesse, M. Trump était, tout simplement, fidèle à un sentiment partagé par un grand nombre de sénateurs américains à l’égard de cet accord et à une ligne idéologique très ancrée dans la politique américaine ; une idéologie qui méprise le droit international tant et autant qu’il ne sert pas les intérêts américains et tant et autant qu’il ne reflète pas le modèle et la culture américaine. Disons-le, les Américains sont obnubilés par le fameux «one size fits all», c’est-à-dire le modèle américain qui s’applique à toutes à tous ! Dans un article fort intéressant, publié en 2006, la philosophe et juriste française Emmanuelle Tourme-Jouannet, cite quelques exemples confirmant cette idéologie. En effet, ce sont les Américains qui ont qualifié aussi bien la création de la Cour pénale internationale que la Convention sur la protection de la diversité culturelle de mauvaise idée «bad idea» et ce sont également les Américains qui, lors de l’invasion illégale de de l’Irak, ont qualifié les règles de droit international humanitaire de règles obsolètes «outdated» !

L’opposition à l’accord avec l’Iran est loin d’être une entreprise trumpienne. Avant lui, 40 sénateurs républicains ont dore et déjà envoyé une lettre à l’Ayatollah iranien Ali Khamenei, lui reprochant de «ne pas comprendre la Constitution américaine» et lui annonçant que «le futur président pourrait révoquer cet accord d’un trait de plume» ! À vrai dire, cette lettre prémonitoire a le mérite d’être d’une clarté limpide et cela même si certains constitutionalistes américains ont accusé ses rédacteurs de «trahison» !

La question qui se pose est de savoir si M. Trump peut «déchirer» cet accord ? En termes de droit international conventionnel et coutumier, M. Trump devrait respecter les engagements internationaux conclus par son prédécesseur. C’est l’esprit du principe de la continuité de l’État et du principe pacta sunt servanda qui oblige les États à respecter leurs engagements internationaux. L’esprit de ces principes s’appliquent à cet accord quoi qu’en disent ceux qui pensent que ce dernier n’est pas un traité comme tel ! C’est un accord qui, comme tout autre traité, a fait l’objet de longues négociations entre les Iraniens et le groupe dit « 5 + 1 » (États-Unis, Russie, Chine, France, Royaume-Uni et Allemagne) avec une participation active de l’Union européenne. Son approbation par la résolution 2231 du Conseil de sécurité a fait de lui un accord multilatéral et a réduit, en principe, la marge de manœuvre du gouvernement américain. Or, sachant l’attitude américaine vis-à-vis des règles du droit international et connaissant la précarité de ce droit lorsqu’il est question de son renforcement, je pense, hélas, que rien n’empêche M. Trump de le déchirer en se basant sur une lecture littéraliste et opportuniste du droit américain !

En termes de relations internationales, M. Trump ne semble pas avoir une meilleure solution pour superviser le programme nucléaire iranien et je ne pense pas que «Bomb Iran» soit sa chanson préférée et qu’il peut, par conséquent, l’offrir à la communauté internationale ! Alors, soyons optimistes, parce que comme le disait Tocqueville, en parlant des Américains : «l’expérience leur a appris à quel degré d’agitation ils peuvent parvenir et doivent s’arrêter» !

Cet article a été publié pour la première fois dans The Huffington Post le 25 novembre 2016.

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Les blogs CIPS sont protégés par la licence Creative Commons: Attribution – Pas de Modification 4.0 International (CC BY-ND 4.0).


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Donald J. Trump sera le nouveau locataire de la Maison-Blanche après une campagne électorale cauchemardesque pendant laquelle «toutes les passions factices que l’imagination peut créer» se sont déchainées et pendant laquelle «la nation [est] tomb[é]e dans état fébrile» pour reprendre les mots d’Alexis de Tocqueville. S’adressant à sa base électorale, M. Trump a promis de «déchirer» l’accord nucléaire conclu avec l’Iran. Certes, le mot est fort, mais il n’est pas le premier à l’utiliser. À titre d’exemple, les annales de l’histoire nous rapportent que lors de la Première Guerre mondiale, le chancelier allemand Theobald von Bethmann Hollweg avait qualifié le traité confirmant la neutralité belge de «chiffon de papier» ! Cependant, contrairement à ce qui est véhiculé par les medias, je pense que cette promesse n’a rien d’étonnant ou de surprenant !

En faisant cette promesse, M. Trump était, tout simplement, fidèle à un sentiment partagé par un grand nombre de sénateurs américains à l’égard de cet accord et à une ligne idéologique très ancrée dans la politique américaine ; une idéologie qui méprise le droit international tant et autant qu’il ne sert pas les intérêts américains et tant et autant qu’il ne reflète pas le modèle et la culture américaine. Disons-le, les Américains sont obnubilés par le fameux «one size fits all», c’est-à-dire le modèle américain qui s’applique à toutes à tous ! Dans un article fort intéressant, publié en 2006, la philosophe et juriste française Emmanuelle Tourme-Jouannet, cite quelques exemples confirmant cette idéologie. En effet, ce sont les Américains qui ont qualifié aussi bien la création de la Cour pénale internationale que la Convention sur la protection de la diversité culturelle de mauvaise idée «bad idea» et ce sont également les Américains qui, lors de l’invasion illégale de de l’Irak, ont qualifié les règles de droit international humanitaire de règles obsolètes «outdated» !

L’opposition à l’accord avec l’Iran est loin d’être une entreprise trumpienne. Avant lui, 40 sénateurs républicains ont dore et déjà envoyé une lettre à l’Ayatollah iranien Ali Khamenei, lui reprochant de «ne pas comprendre la Constitution américaine» et lui annonçant que «le futur président pourrait révoquer cet accord d’un trait de plume» ! À vrai dire, cette lettre prémonitoire a le mérite d’être d’une clarté limpide et cela même si certains constitutionalistes américains ont accusé ses rédacteurs de «trahison» !

La question qui se pose est de savoir si M. Trump peut «déchirer» cet accord ? En termes de droit international conventionnel et coutumier, M. Trump devrait respecter les engagements internationaux conclus par son prédécesseur. C’est l’esprit du principe de la continuité de l’État et du principe pacta sunt servanda qui oblige les États à respecter leurs engagements internationaux. L’esprit de ces principes s’appliquent à cet accord quoi qu’en disent ceux qui pensent que ce dernier n’est pas un traité comme tel ! C’est un accord qui, comme tout autre traité, a fait l’objet de longues négociations entre les Iraniens et le groupe dit « 5 + 1 » (États-Unis, Russie, Chine, France, Royaume-Uni et Allemagne) avec une participation active de l’Union européenne. Son approbation par la résolution 2231 du Conseil de sécurité a fait de lui un accord multilatéral et a réduit, en principe, la marge de manœuvre du gouvernement américain. Or, sachant l’attitude américaine vis-à-vis des règles du droit international et connaissant la précarité de ce droit lorsqu’il est question de son renforcement, je pense, hélas, que rien n’empêche M. Trump de le déchirer en se basant sur une lecture littéraliste et opportuniste du droit américain !

En termes de relations internationales, M. Trump ne semble pas avoir une meilleure solution pour superviser le programme nucléaire iranien et je ne pense pas que «Bomb Iran» soit sa chanson préférée et qu’il peut, par conséquent, l’offrir à la communauté internationale ! Alors, soyons optimistes, parce que comme le disait Tocqueville, en parlant des Américains : «l’expérience leur a appris à quel degré d’agitation ils peuvent parvenir et doivent s’arrêter» !

Cet article a été publié pour la première fois dans The Huffington Post le 25 novembre 2016.

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