Le deuxième discours de Justin Trudeau devant l’Assemblée Générale des Nations Unies étonne. Pour une deuxième année d’affilée, le Premier Ministre canadien a décidé de s’adresser directement au forum, ne préférant pas déléguer la ministre des Affaires globales. Sur ce point, il faut souligner la constance et l’accent mis sur le multilatéralisme et les organisations
Le deuxième discours de Justin Trudeau devant l’Assemblée Générale des Nations Unies étonne. Pour une deuxième année d’affilée, le Premier Ministre canadien a décidé de s’adresser directement au forum, ne préférant pas déléguer la ministre des Affaires globales. Sur ce point, il faut souligner la constance et l’accent mis sur le multilatéralisme et les organisations internationales. On peut aussi souligner que, à l’instar de son premier discours, Trudeau a joué la carte de l’humilité, un contraste important avec la politique étrangère de son prédécesseur. En décrivant les abus et la discrimination auxquels font toujours face les Autochtones, le Premier Ministre ne peut aisément faire des leçons de valeurs à d’autres États. Il s’agit d’une approche louable, à mon avis.
Par contre, ce deuxième discours ne peut qu’être qualifié d’inusité de par l’accent mis sur des enjeux de politiques nationales. Outre les enjeux touchant les Autochtones (où les enjeux de droits humains et de la déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones), les politiques économiques et la controversée réforme fiscale ont été présentées comme des politiques représentant l’orientation générale du gouvernement canadien. Ce type de discours cible habituellement deux types d’audience : une audience internationale et une audience domestique. Nous ne pouvons s’empêcher de penser à cette audience canadienne sur la réforme fiscale : soulever cette réforme à l’ONU tente de légitimer cette mesure. Pour l’audience internationale, ce discours avait des allures d’opérations de branding.
Il est par contre surprenant de constater que plusieurs enjeux internationaux importants ont été oubliés. Une possible contribution à des opérations de paix ou un plan ambitieux pour réinvestir dans l’aide au développement n’ont pas été effleuré, même du bout des lèvres. Passé les discours des premiers mois, les actions et investissements tardent à se faire sentir, créant de la frustration auprès des alliés traditionnels du Canada. Déjà au mi-mandat, le bilan international est mince; l’élection de Donald Trump semble avoir transi le gouvernement canadien. Le discours de la Ministre des Affaires Mondiales Chrystia Freeland début juin avait pourtant semblé marquer un tournant, réengageant le Canada à s’activer dans des projets multilatéraux.
Outre les opérations de paix et l’aide au développement, pas un mot non plus sur les dossiers iraniens ou nord-coréens. La question qui a dominé la couverture médiatique a porté sur la possibilité que le Canada puisse remporter un siège non-permanent au Conseil de Sécurité de l’ONU en 2020-2021. La question se pose. Le gouvernement Harper en 2010 avait essuyé un revers humiliant pour ce même siège. Une raison importante pouvant expliquer ce revers était la politique passive du gouvernement conservateur sur les changements climatiques. Sur ce point, ce deuxième discours est venu réaffirmer la volonté du Canada à adopter une politique de réduction des gaz à effet de serre ambitieuse. Le vote de plusieurs États insulaires du Pacifique pourrait s’avérer crucial en 2020 afin d’obtenir ce siège non-permanent.
Néanmoins, il faut comprendre la motivation première pour obtenir ce siège. L’accent mis sur l’obtention de ce siège après l’accession des Libéraux à la commande de l’État et l’obsession médiatique récente à propos de ce même siège nous présentent devant une attitude assez singulière. Le siège de membre non-permanent semble être un objectif, une finalité en tant que tel qu’il faille poursuivre à tout prix. Il faut, à mon avis, recadrer ce privilège pour le concevoir en tant que moyen pour poursuivre des intérêts canadiens, de leviers permettant d’influer sur les décisions touchant la paix et la sécurité internationales. Il s’agirait sans aucun doute d’un succès diplomatique significatif. Le Canada a pu faire avancer des dossiers prioritaires à la fin des années 1990 en tant que membre de ce conseil.
Il faudra par contre faire plus que de vendre une réforme fiscale.