Pourquoi une guerre sur la péninsule coréenne est inéluctable

Donald Trump et Kim Jong-unRadar Online

Le dernier épisode dans le feuilleton du dossier nucléaire nord-coréen a atteint son paroxysme qui met la communauté internationale devant la possibilité bien réelle de conflit militaire, avec une rhétorique enflammée des deux côtés. La focalisation des dernières semaines s’avère particulière, la couverture médiatique et l’analyse académique de ces événements mettant l’accent sur un antagonisme

Le dernier épisode dans le feuilleton du dossier nucléaire nord-coréen a atteint son paroxysme qui met la communauté internationale devant la possibilité bien réelle de conflit militaire, avec une rhétorique enflammée des deux côtés. La focalisation des dernières semaines s’avère particulière, la couverture médiatique et l’analyse académique de ces événements mettant l’accent sur un antagonisme Corée du Nord/États-Unis.

Ce dualisme est facile mais nous cache d’une autre représentation ayant cours sur la péninsule coréenne. Avant d’être une confrontation avec une superpuissance éloignée, ce contentieux est avant tout un conflit qui déchire une nation (la nation coréenne), séparée en deux entités juridiques en droit international. Il faut se remémorer l’interprétation historique de la Guerre de Corée par un des grands historiens de cette guerre, Bruce Cummings, pour se rappeler que la division intercoréenne, loin d’être un conflit international à prime abord, origine d’une guerre civile entre deux factions de la nation coréenne. Dans son ouvrage-phare, The Korean War : A History, Cummings documente avec justesse que la partition de la Corée s’est surtout faite entre deux factions, une qui s’était battu contre le colonialisme japonais (la classe dirigeante au Nord) et une qui l’avait accepté et avait dans certains cas collaboré (élite au Sud).

Surtout, cela nous rappelle que la réunification a été et est toujours un enjeu central pour les gouvernements des deux côtés de la ligne de démarcation. De chaque côté, les gouvernements se représentent comme seul voix légitime du peuple coréen. Si les études pour chiffrer le coût de la réunification se sont raréfiées au Sud depuis la fin de la présidence de Lee Myung-bak, cette préoccupation fait partie de la conversation nationale : la séparation du peuple coréen va se résoudre un jour ou l’autre.

Ce qui nous amène au programme nucléaire nord-coréen. Les avancées effectuées à ce chapitre nous placent devant un cas classique de dilemme de sécurité : l’acquisition de puissance d’un acteur en insécurise un autre. De surcroît, l’acteur qui acquiert cette puissance a menacé à de maintes reprises l’autre, menant des actions belliqueuses; le torpillage du sous-marin sud-coréen Cheonam et le pilonnage de l’île de Yeonpyeong, situé au sud de la ligne de démarcation, en 2010 sont des exemples récents.

Côté nord-coréen, la justification soulevée pour se doter d’armes nucléaires est qu’aucun autre pays ne pourrait envahir la Corée du Nord une fois qu’elle possédera une telle force de frappe. Nous pouvons soulever une autre raison possible : une fois devenu une puissance nucléaire, la Corée du Nord serait à même de dissuader des puissances étrangères, incluant les États-Unis, de s’immiscer dans son pourtour immédiat. La peur d’escalade d’un conflit face à une puissance nucléaire appelle d’autres États puissants à la prudence : la réaction timide de l’Occident dans la crise ukrainienne face à la Russie nous fournit un précédent.

Les Sud-Coréens semblent avoir saisi la gravité de la menace. Une majorité de l’opinion publique en Corée du Sud (60%) se rallie maintenant à l’idée de développer son propre programme nucléaire, conséquence à la fois du programme nucléaire nord-coréen et de l’imprévisibilité de l’allié américain. Un tel programme prendrait toutefois des années et ne fait pas disparaitre dans l’immédiat la menace nord-coréenne.

D’autre part, par contre, les dépenses en équipements militaires en Corée du Sud ont augmenté de 35% de 2007 à 2016. Si Mark Bowden dans un article publié dans la revue The Atlantic cet été soulignait que la Corée du Sud allait être la première touchée par un affrontement militaire avec le Nord, les dépenses militaires sud-coréennes dans les dernières années pointent dans la direction d’un État qui se prépare à l’inéluctabilité d’une guerre conventionnelle.

La menace nord-coréenne apparait crédible pour les preneurs de décision sud-coréens. À cet effet, depuis deux mois, l’armée sud-coréenne s’est placé en état d’alerte avancé. Il faut ajouter que nous sommes devant une administration américaine qui pointe dans la direction de l’utilisation de la force comme jamais auparavant. La seule option présentée comme acceptable est la dénucléarisation, ce qui est impensable côté nord-coréen. Selon les dires du ministre de la défense du Japon, l’administration américain attend jusqu’à la mi-novembre pour observer des changements dans la position nord-coréenne, sans quoi des « mesures sévères » seront entreprises. Ce même ministre a qualifié la menace nord-coréenne comme imminente.

La possibilité que la Corée du Nord fasse marche arrière est très mince. Déjà, le Nord semble avoir fermé la porte à une ouverture envers le Sud, occupant et saisissant illégalement le matériel sud-coréen laissé derrière au complexe de Kaesong, autrefois signe-phare de la coopération intercoréenne.

Un tel dénouement ne serait pas le résultat de mauvais calculs (miscalculations) comme certains experts soulignent. Cela serait plutôt le résultat d’un calcul rationnel des acteurs impliqués (surtout côté sud-coréen) qui perçoivent la Corée du Nord comme une menace. Côté sud-coréen, cela fait maintenant deux mois que l’on se prépare au déclenchement d’une guerre. Devant une telle combinaison d’éléments, une guerre sur la péninsule coréenne est inéluctable : une intervention militaire avant la fin de 2017, elle, est hautement probable.

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Le blogue du CÉPI est écrit par des spécialistes en la matière.

Les blogs CIPS sont protégés par la licence Creative Commons: Attribution – Pas de Modification 4.0 International (CC BY-ND 4.0).


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Le dernier épisode dans le feuilleton du dossier nucléaire nord-coréen a atteint son paroxysme qui met la communauté internationale devant la possibilité bien réelle de conflit militaire, avec une rhétorique enflammée des deux côtés. La focalisation des dernières semaines s’avère particulière, la couverture médiatique et l’analyse académique de ces événements mettant l’accent sur un antagonisme

Le dernier épisode dans le feuilleton du dossier nucléaire nord-coréen a atteint son paroxysme qui met la communauté internationale devant la possibilité bien réelle de conflit militaire, avec une rhétorique enflammée des deux côtés. La focalisation des dernières semaines s’avère particulière, la couverture médiatique et l’analyse académique de ces événements mettant l’accent sur un antagonisme Corée du Nord/États-Unis.

Ce dualisme est facile mais nous cache d’une autre représentation ayant cours sur la péninsule coréenne. Avant d’être une confrontation avec une superpuissance éloignée, ce contentieux est avant tout un conflit qui déchire une nation (la nation coréenne), séparée en deux entités juridiques en droit international. Il faut se remémorer l’interprétation historique de la Guerre de Corée par un des grands historiens de cette guerre, Bruce Cummings, pour se rappeler que la division intercoréenne, loin d’être un conflit international à prime abord, origine d’une guerre civile entre deux factions de la nation coréenne. Dans son ouvrage-phare, The Korean War : A History, Cummings documente avec justesse que la partition de la Corée s’est surtout faite entre deux factions, une qui s’était battu contre le colonialisme japonais (la classe dirigeante au Nord) et une qui l’avait accepté et avait dans certains cas collaboré (élite au Sud).

Surtout, cela nous rappelle que la réunification a été et est toujours un enjeu central pour les gouvernements des deux côtés de la ligne de démarcation. De chaque côté, les gouvernements se représentent comme seul voix légitime du peuple coréen. Si les études pour chiffrer le coût de la réunification se sont raréfiées au Sud depuis la fin de la présidence de Lee Myung-bak, cette préoccupation fait partie de la conversation nationale : la séparation du peuple coréen va se résoudre un jour ou l’autre.

Ce qui nous amène au programme nucléaire nord-coréen. Les avancées effectuées à ce chapitre nous placent devant un cas classique de dilemme de sécurité : l’acquisition de puissance d’un acteur en insécurise un autre. De surcroît, l’acteur qui acquiert cette puissance a menacé à de maintes reprises l’autre, menant des actions belliqueuses; le torpillage du sous-marin sud-coréen Cheonam et le pilonnage de l’île de Yeonpyeong, situé au sud de la ligne de démarcation, en 2010 sont des exemples récents.

Côté nord-coréen, la justification soulevée pour se doter d’armes nucléaires est qu’aucun autre pays ne pourrait envahir la Corée du Nord une fois qu’elle possédera une telle force de frappe. Nous pouvons soulever une autre raison possible : une fois devenu une puissance nucléaire, la Corée du Nord serait à même de dissuader des puissances étrangères, incluant les États-Unis, de s’immiscer dans son pourtour immédiat. La peur d’escalade d’un conflit face à une puissance nucléaire appelle d’autres États puissants à la prudence : la réaction timide de l’Occident dans la crise ukrainienne face à la Russie nous fournit un précédent.

Les Sud-Coréens semblent avoir saisi la gravité de la menace. Une majorité de l’opinion publique en Corée du Sud (60%) se rallie maintenant à l’idée de développer son propre programme nucléaire, conséquence à la fois du programme nucléaire nord-coréen et de l’imprévisibilité de l’allié américain. Un tel programme prendrait toutefois des années et ne fait pas disparaitre dans l’immédiat la menace nord-coréenne.

D’autre part, par contre, les dépenses en équipements militaires en Corée du Sud ont augmenté de 35% de 2007 à 2016. Si Mark Bowden dans un article publié dans la revue The Atlantic cet été soulignait que la Corée du Sud allait être la première touchée par un affrontement militaire avec le Nord, les dépenses militaires sud-coréennes dans les dernières années pointent dans la direction d’un État qui se prépare à l’inéluctabilité d’une guerre conventionnelle.

La menace nord-coréenne apparait crédible pour les preneurs de décision sud-coréens. À cet effet, depuis deux mois, l’armée sud-coréenne s’est placé en état d’alerte avancé. Il faut ajouter que nous sommes devant une administration américaine qui pointe dans la direction de l’utilisation de la force comme jamais auparavant. La seule option présentée comme acceptable est la dénucléarisation, ce qui est impensable côté nord-coréen. Selon les dires du ministre de la défense du Japon, l’administration américain attend jusqu’à la mi-novembre pour observer des changements dans la position nord-coréenne, sans quoi des « mesures sévères » seront entreprises. Ce même ministre a qualifié la menace nord-coréenne comme imminente.

La possibilité que la Corée du Nord fasse marche arrière est très mince. Déjà, le Nord semble avoir fermé la porte à une ouverture envers le Sud, occupant et saisissant illégalement le matériel sud-coréen laissé derrière au complexe de Kaesong, autrefois signe-phare de la coopération intercoréenne.

Un tel dénouement ne serait pas le résultat de mauvais calculs (miscalculations) comme certains experts soulignent. Cela serait plutôt le résultat d’un calcul rationnel des acteurs impliqués (surtout côté sud-coréen) qui perçoivent la Corée du Nord comme une menace. Côté sud-coréen, cela fait maintenant deux mois que l’on se prépare au déclenchement d’une guerre. Devant une telle combinaison d’éléments, une guerre sur la péninsule coréenne est inéluctable : une intervention militaire avant la fin de 2017, elle, est hautement probable.

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