La politique étrangère Trudeau à mi-mandat : état de l’opinion publique canadienne

À mi-mandat, 54% des Canadiens estiment que le gouvernement Trudeau ait eu un impact positif sur la réputation internationale du Canada contre seulement 16% qui perçoivent un effet négatif. Sur la photo : En juin dernier, Justin Trudeau a rencontré Aung San Suu Kyi, chef du gouvernement du Myanmar et citoyenne canadienne honoraire, à Ottawa. De nombreuses personnes ont demandé que cette citoyenneté d'honneur soit rétablie à la lumière des « preuves croissants » d’un génocide Rohingya.Adrian Wyld/Canadian Press

Cette analyse est un extrait d’une présentation dans le cadre de la Conférence du CIRRICQ sur la politique étrangère et de défense du Canada, qui sera tenue le 5 décembre 2017 à Gatineau. La première année de règne pour le gouvernement Trudeau en fut une paradoxale. La lune de miel du Premier ministre a duré

Cette analyse est un extrait d’une présentation dans le cadre de la Conférence du CIRRICQ sur la politique étrangère et de défense du Canada, qui sera tenue le 5 décembre 2017 à Gatineau.

La première année de règne pour le gouvernement Trudeau en fut une paradoxale. La lune de miel du Premier ministre a duré étonnamment longtemps, la cote de popularité de celui-ci étant élevée même un an après l’élection. Au même moment, les sondages sur des décisions de politique internationale laissait entrevoir un gouvernement qui n’était pas en phase avec son opinion publique. En fait, dans une analyse publiée l’an dernier, les Canadiens n’étaient pas en accord avec les décisions prises par leur gouvernement sur trois dossiers chauds qui avaient dominé l’actualité : le plan d’accueil des réfugiés syriens, la réorientation de la mission contre le groupe État Islamique et le contrat de vente d’armes à l’Arabie Saoudite. Qu’en est-il pour la deuxième année?

Cette deuxième année nous présente un portrait diamétralement opposé : un gouvernement en perte de vitesse côté intentions de vote et cote de popularité mais avec une politique internationale plus populaire. Quinze enquêtes d’opinion portant sur des questions internationales ont été amassées pour se faire, menées par différents firmes de sondage (Nanos, Angus Reid, Forum Research, Abacus et Ipsos). Plusieurs de celles-ci portaient sur des enjeux qui furent abordés au cours de la première année (mission contre l’ÉI, vente d’armement à l’Arabie Saoudite, Accord de Paris, accord de libre échange avec l’Europe). En tout, les répondants ont appuyé la position gouvernementale dans 8 cas; 6 sondages ont vu une majorité de Canadiens s’opposer (un sondage est arrivé à égalité).

Les enjeux liés au commerce, à l’environnement et à la diplomatie contribuent en grande partie à ce résultat positif. L’approbation du pipeline Trans Mountain, l’appui à l’Accord de Paris sur le climat et l’entrée en vigueur de l’Accord de libre-échange avec l’Europe ont représenté des décisions populaires. L’évocation du président américain Donald Trump ou de ses politiques ont eu pour effet de produire un support plus important pour la politique internationale Trudeau, surtout en regard de l’immigration ou de l’environnement. Au même moment, l’approche Trudeau face au président américain a semblé plaire au Canadiens, qui y voyait une approche pragmatique sans toutefois trop faire de compromis sur des positions chères au Canada.

Les initiatives liées à la sécurité internationale et au secteur de la défense demeurent la grande faiblesse de ce gouvernement face à l’opinion publique canadienne. Quatre des six sondages négatifs traitaient d’enjeux de sécurité et de défense. Sur ce type d’enjeux, le gouvernement libéral est confronté à deux types de critiques. D’une part, il est pointé du doigt pour ne pas en faire assez pour combattre l’ÉI ou en avoir fait plus pour répondre à la crise humanitaire à Alep. D’autre part, ce même gouvernement essuie des résultats négatifs pour un réinvestissement dans le secteur de la défense et pour le contrat d’armement avec l’Arabie Saoudite.

Ces deux dernières questions nous informent sur la nature de cette opposition. En fait, sur les questions sécuritaires, les Canadiens qui ont voté libéral à la dernière élection fédérale sont habituellement partagés, ce qui n’est pas le cas pour ceux qui ont préféré d’autres partis politiques. Par exemple, sur la question du contrat avec l’Arabie Saoudite, 46% jugent que le Canada est responsable lorsque les armes manufacturés au pays sont vendus à l’étranger et servent à réprimer des populations civiles, tandis que 54% ne tenait pas le pays pour responsable. Sur ce point, les électeurs libéraux étaient plus nombreux à tenir le Canada responsables que les électeurs conservateurs (39%) mais moins que ceux du NPD (54%).

Dans l’ensemble, le gouvernement Trudeau récolte un appui intéressant pour sa politique étrangère à mi-mandat. Les décisions en termes de commerce international et de protection environnementale reçoivent un accueil très favorable. Ces observations expliquent pourquoi, à mi-mandat, 54% des Canadiens estiment que le gouvernement Trudeau ait eu un impact positif sur la réputation internationale du Canada contre seulement 16% qui perçoivent un effet négatif. Cette perception n’est pas construite par une décision en particulier mais plutôt la nature générale de la politique internationale de ce gouvernement et le ton donné à sa politique étrangère.

Par contre, dans les deux dernières années du mandat, les questions commerciales pourraient changer la donne de manière significative. Un échec important dans la renégociation de l’ALÉNA aurait le potentiel de créer une telle onde de choc et de venir souligner le peu de résultat de cette politique étrangère. Un rapprochement commercial avec la Chine pourrait aussi venir heurter certaines sensibilités au Canada. Si l’idée du libre-échange entre le Canada et la Chine est davantage appuyée depuis l’élection de Donald Trump, les Canadiens sont presque unanimes à dénoncer une plus grande ouverture canadienne face aux investissements étrangers provenant de la Chine. Des échecs commerciaux pourraient avoir pour conséquences de sérieusement éroder le capital de sympathie encore présent pour le gouvernement Trudeau.

Articles liés


Le blogue du CÉPI est écrit par des spécialistes en la matière.

Les blogs CIPS sont protégés par la licence Creative Commons: Attribution – Pas de Modification 4.0 International (CC BY-ND 4.0).


[custom-twitter-feeds]

La politique étrangère Trudeau à mi-mandat : état de l’opinion publique canadienne

À mi-mandat, 54% des Canadiens estiment que le gouvernement Trudeau ait eu un impact positif sur la réputation internationale du Canada contre seulement 16% qui perçoivent un effet négatif. Sur la photo : En juin dernier, Justin Trudeau a rencontré Aung San Suu Kyi, chef du gouvernement du Myanmar et citoyenne canadienne honoraire, à Ottawa. De nombreuses personnes ont demandé que cette citoyenneté d'honneur soit rétablie à la lumière des « preuves croissants » d’un génocide Rohingya.Adrian Wyld/Canadian Press

Cette analyse est un extrait d’une présentation dans le cadre de la Conférence du CIRRICQ sur la politique étrangère et de défense du Canada, qui sera tenue le 5 décembre 2017 à Gatineau. La première année de règne pour le gouvernement Trudeau en fut une paradoxale. La lune de miel du Premier ministre a duré

Cette analyse est un extrait d’une présentation dans le cadre de la Conférence du CIRRICQ sur la politique étrangère et de défense du Canada, qui sera tenue le 5 décembre 2017 à Gatineau.

La première année de règne pour le gouvernement Trudeau en fut une paradoxale. La lune de miel du Premier ministre a duré étonnamment longtemps, la cote de popularité de celui-ci étant élevée même un an après l’élection. Au même moment, les sondages sur des décisions de politique internationale laissait entrevoir un gouvernement qui n’était pas en phase avec son opinion publique. En fait, dans une analyse publiée l’an dernier, les Canadiens n’étaient pas en accord avec les décisions prises par leur gouvernement sur trois dossiers chauds qui avaient dominé l’actualité : le plan d’accueil des réfugiés syriens, la réorientation de la mission contre le groupe État Islamique et le contrat de vente d’armes à l’Arabie Saoudite. Qu’en est-il pour la deuxième année?

Cette deuxième année nous présente un portrait diamétralement opposé : un gouvernement en perte de vitesse côté intentions de vote et cote de popularité mais avec une politique internationale plus populaire. Quinze enquêtes d’opinion portant sur des questions internationales ont été amassées pour se faire, menées par différents firmes de sondage (Nanos, Angus Reid, Forum Research, Abacus et Ipsos). Plusieurs de celles-ci portaient sur des enjeux qui furent abordés au cours de la première année (mission contre l’ÉI, vente d’armement à l’Arabie Saoudite, Accord de Paris, accord de libre échange avec l’Europe). En tout, les répondants ont appuyé la position gouvernementale dans 8 cas; 6 sondages ont vu une majorité de Canadiens s’opposer (un sondage est arrivé à égalité).

Les enjeux liés au commerce, à l’environnement et à la diplomatie contribuent en grande partie à ce résultat positif. L’approbation du pipeline Trans Mountain, l’appui à l’Accord de Paris sur le climat et l’entrée en vigueur de l’Accord de libre-échange avec l’Europe ont représenté des décisions populaires. L’évocation du président américain Donald Trump ou de ses politiques ont eu pour effet de produire un support plus important pour la politique internationale Trudeau, surtout en regard de l’immigration ou de l’environnement. Au même moment, l’approche Trudeau face au président américain a semblé plaire au Canadiens, qui y voyait une approche pragmatique sans toutefois trop faire de compromis sur des positions chères au Canada.

Les initiatives liées à la sécurité internationale et au secteur de la défense demeurent la grande faiblesse de ce gouvernement face à l’opinion publique canadienne. Quatre des six sondages négatifs traitaient d’enjeux de sécurité et de défense. Sur ce type d’enjeux, le gouvernement libéral est confronté à deux types de critiques. D’une part, il est pointé du doigt pour ne pas en faire assez pour combattre l’ÉI ou en avoir fait plus pour répondre à la crise humanitaire à Alep. D’autre part, ce même gouvernement essuie des résultats négatifs pour un réinvestissement dans le secteur de la défense et pour le contrat d’armement avec l’Arabie Saoudite.

Ces deux dernières questions nous informent sur la nature de cette opposition. En fait, sur les questions sécuritaires, les Canadiens qui ont voté libéral à la dernière élection fédérale sont habituellement partagés, ce qui n’est pas le cas pour ceux qui ont préféré d’autres partis politiques. Par exemple, sur la question du contrat avec l’Arabie Saoudite, 46% jugent que le Canada est responsable lorsque les armes manufacturés au pays sont vendus à l’étranger et servent à réprimer des populations civiles, tandis que 54% ne tenait pas le pays pour responsable. Sur ce point, les électeurs libéraux étaient plus nombreux à tenir le Canada responsables que les électeurs conservateurs (39%) mais moins que ceux du NPD (54%).

Dans l’ensemble, le gouvernement Trudeau récolte un appui intéressant pour sa politique étrangère à mi-mandat. Les décisions en termes de commerce international et de protection environnementale reçoivent un accueil très favorable. Ces observations expliquent pourquoi, à mi-mandat, 54% des Canadiens estiment que le gouvernement Trudeau ait eu un impact positif sur la réputation internationale du Canada contre seulement 16% qui perçoivent un effet négatif. Cette perception n’est pas construite par une décision en particulier mais plutôt la nature générale de la politique internationale de ce gouvernement et le ton donné à sa politique étrangère.

Par contre, dans les deux dernières années du mandat, les questions commerciales pourraient changer la donne de manière significative. Un échec important dans la renégociation de l’ALÉNA aurait le potentiel de créer une telle onde de choc et de venir souligner le peu de résultat de cette politique étrangère. Un rapprochement commercial avec la Chine pourrait aussi venir heurter certaines sensibilités au Canada. Si l’idée du libre-échange entre le Canada et la Chine est davantage appuyée depuis l’élection de Donald Trump, les Canadiens sont presque unanimes à dénoncer une plus grande ouverture canadienne face aux investissements étrangers provenant de la Chine. Des échecs commerciaux pourraient avoir pour conséquences de sérieusement éroder le capital de sympathie encore présent pour le gouvernement Trudeau.

Articles liés


Le blogue du CÉPI est écrit par des spécialistes en la matière.

 

Les blogs CIPS sont protégés par la licence Creative Commons: Attribution – Pas de Modification 4.0 International (CC BY-ND 4.0).


[custom-twitter-feeds]