La visite du roi et de la reine des Belges : symbolique et pragmatique

Le roi Philippe et la reine Mathilde au Cénotaphe à Ottawa, 12 mars 2018.Ferry de Kerckhove

À notre époque de républicanisme et de populisme, fussent-ils le plus souvent antinomiques, une visite royale peut paraître anachronique. Pourtant on peut se souvenir du rôle du père de l’actuel monarque belge quand il n’était pas encore roi mais Prince Albert et qu’il sillonnait le monde à la tête de délégations commerciales belges en une

À notre époque de républicanisme et de populisme, fussent-ils le plus souvent antinomiques, une visite royale peut paraître anachronique. Pourtant on peut se souvenir du rôle du père de l’actuel monarque belge quand il n’était pas encore roi mais Prince Albert et qu’il sillonnait le monde à la tête de délégations commerciales belges en une sorte de super vendeur remarquablement efficace. Et après tout, même M. Parizeau exprimé son admiration pour notre monarque, Élisabeth II. La visite du roi Philippe et de la reine Mathilde s’inscrit d’abord dans une reconnaissance sans cesse renouvelée, dont bon nombre de Canadiens ont fait l’expérience, envers la contribution canadienne en sol belge au cours des deux guerres mondiales. La devise du Québec « je me souviens » pourrais être celle des Belges à notre égard. Mais à cette symbolique, aux valeurs communes, au mode fédératif, à la francophonie tout comme au tissu de relations entre ministres présidents des régions et communautés belges et les premiers ministres provinciaux du Canada, s’ajoutent aussi de solides intérêts économiques mutuels qu’on oublie parfois, éblouis peut-être que nous sommes face au rôle de Bruxelles comme capitale de l’Union européenne.

Au sixième rang des pays de l’Union européenne au plan des relations commerciales avec le Canada, la Belgique investit également au Canada à hauteur de 5 milliards de dollars. Même s’il y a eu un petit accroc en 2016 avec la région wallonne qui nous a valu les premières larmes de la ministre Chrystia Freeland à propos de l’Accord économique et commercial global entre le Canada et l’Union européenne (AECG), la Belgique en est l’un des plus ardents défenseurs. Au moment où nous arrachons à la dernière minute une exemption conditionnelle aux tarifs punitifs de Donald Trump sur nos exportations d’acier et d’aluminium, le TPP que nous venons de signer et l’AECG représentent un socle de stabilité. Si pour nous, la perspective du Brexit laisse perplexe quant à l’avenir de l’union européenne, tout comme les tendances illibérales de certains partenaires est-européens de l’UE, force est de constater que l’idée européenne est loin d’être morte et que le couple Macron-Merkel, appuyé par les convaincus de toujours de l’intégration européenne que sont des pays comme la Belgique, permet d’espérer relance et approfondissement, évolution qui ne peut laisser le Canada indifférent.

Par-delà le chocolat et la bière sans tomber dans les frites à la mayonnaise, la puissance économique européenne se lit bien à travers les secteurs économiques belges qui seront mis en lumière pendant la visite royale — industries culturelles, film, audiovisuel, agroalimentaire, produits pharmaceutiques, l’Aérospatiale, ainsi que la coopération interuniversitaire.  À beaucoup d’égards, si les membres de l’Union européenne voient dans l’AECG une forme de porte d’entrée sur le marché américain en attendant qu’un éventuel départ de M. Trump permet une reprise de la négociation du partenariat transatlantique entre eux l’Union européenne et les États-Unis, le Canada peut voir dans son partenariat direct avec la Belgique une voie d’accès de facilitation de l’AECG. Avec 200 000 Canadiens d’origine belge, profondément intégrés dans la société canadienne, renforcés d’une croissance dans le nombre de nouveaux arrivants, l’avenir paraît prometteur.

Lors de la conférence de Montréal de 2017, le premier ministre de Belgique Charles Michel, dans un discours remarquable, avait une fois de plus démontré l’importance du projet européen, C’est quelque chose qu’un dirigeant belge peut faire avec plus de conviction encore que ses partenaires plus considérables en superficie et en population dans la mesure où cet engagement de la Belgique transcende les intérêts particuliers, même si très souvent l’unité de la Belgique en a été tributaire. Pour le Canada, passé maître dans la gestion des relations avec les États-Unis, il y a un réconfort de voir ce petit pays au plan géographique — il faudrait un an pour remplir le Canada en y mettant une Belgique par jour — qui s’est doté plus récemment de structures fédérales qui nous rapprochent, affirmer les valeurs intangibles qui nous unissent. C’est certain que les augustes visiteurs belges réitéreront ce message en réponse aux incertitudes de l’heure.

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Le blogue du CÉPI est écrit par des spécialistes en la matière.

Les blogs CIPS sont protégés par la licence Creative Commons: Attribution – Pas de Modification 4.0 International (CC BY-ND 4.0).


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La visite du roi et de la reine des Belges : symbolique et pragmatique

Le roi Philippe et la reine Mathilde au Cénotaphe à Ottawa, 12 mars 2018.Ferry de Kerckhove

À notre époque de républicanisme et de populisme, fussent-ils le plus souvent antinomiques, une visite royale peut paraître anachronique. Pourtant on peut se souvenir du rôle du père de l’actuel monarque belge quand il n’était pas encore roi mais Prince Albert et qu’il sillonnait le monde à la tête de délégations commerciales belges en une

À notre époque de républicanisme et de populisme, fussent-ils le plus souvent antinomiques, une visite royale peut paraître anachronique. Pourtant on peut se souvenir du rôle du père de l’actuel monarque belge quand il n’était pas encore roi mais Prince Albert et qu’il sillonnait le monde à la tête de délégations commerciales belges en une sorte de super vendeur remarquablement efficace. Et après tout, même M. Parizeau exprimé son admiration pour notre monarque, Élisabeth II. La visite du roi Philippe et de la reine Mathilde s’inscrit d’abord dans une reconnaissance sans cesse renouvelée, dont bon nombre de Canadiens ont fait l’expérience, envers la contribution canadienne en sol belge au cours des deux guerres mondiales. La devise du Québec « je me souviens » pourrais être celle des Belges à notre égard. Mais à cette symbolique, aux valeurs communes, au mode fédératif, à la francophonie tout comme au tissu de relations entre ministres présidents des régions et communautés belges et les premiers ministres provinciaux du Canada, s’ajoutent aussi de solides intérêts économiques mutuels qu’on oublie parfois, éblouis peut-être que nous sommes face au rôle de Bruxelles comme capitale de l’Union européenne.

Au sixième rang des pays de l’Union européenne au plan des relations commerciales avec le Canada, la Belgique investit également au Canada à hauteur de 5 milliards de dollars. Même s’il y a eu un petit accroc en 2016 avec la région wallonne qui nous a valu les premières larmes de la ministre Chrystia Freeland à propos de l’Accord économique et commercial global entre le Canada et l’Union européenne (AECG), la Belgique en est l’un des plus ardents défenseurs. Au moment où nous arrachons à la dernière minute une exemption conditionnelle aux tarifs punitifs de Donald Trump sur nos exportations d’acier et d’aluminium, le TPP que nous venons de signer et l’AECG représentent un socle de stabilité. Si pour nous, la perspective du Brexit laisse perplexe quant à l’avenir de l’union européenne, tout comme les tendances illibérales de certains partenaires est-européens de l’UE, force est de constater que l’idée européenne est loin d’être morte et que le couple Macron-Merkel, appuyé par les convaincus de toujours de l’intégration européenne que sont des pays comme la Belgique, permet d’espérer relance et approfondissement, évolution qui ne peut laisser le Canada indifférent.

Par-delà le chocolat et la bière sans tomber dans les frites à la mayonnaise, la puissance économique européenne se lit bien à travers les secteurs économiques belges qui seront mis en lumière pendant la visite royale — industries culturelles, film, audiovisuel, agroalimentaire, produits pharmaceutiques, l’Aérospatiale, ainsi que la coopération interuniversitaire.  À beaucoup d’égards, si les membres de l’Union européenne voient dans l’AECG une forme de porte d’entrée sur le marché américain en attendant qu’un éventuel départ de M. Trump permet une reprise de la négociation du partenariat transatlantique entre eux l’Union européenne et les États-Unis, le Canada peut voir dans son partenariat direct avec la Belgique une voie d’accès de facilitation de l’AECG. Avec 200 000 Canadiens d’origine belge, profondément intégrés dans la société canadienne, renforcés d’une croissance dans le nombre de nouveaux arrivants, l’avenir paraît prometteur.

Lors de la conférence de Montréal de 2017, le premier ministre de Belgique Charles Michel, dans un discours remarquable, avait une fois de plus démontré l’importance du projet européen, C’est quelque chose qu’un dirigeant belge peut faire avec plus de conviction encore que ses partenaires plus considérables en superficie et en population dans la mesure où cet engagement de la Belgique transcende les intérêts particuliers, même si très souvent l’unité de la Belgique en a été tributaire. Pour le Canada, passé maître dans la gestion des relations avec les États-Unis, il y a un réconfort de voir ce petit pays au plan géographique — il faudrait un an pour remplir le Canada en y mettant une Belgique par jour — qui s’est doté plus récemment de structures fédérales qui nous rapprochent, affirmer les valeurs intangibles qui nous unissent. C’est certain que les augustes visiteurs belges réitéreront ce message en réponse aux incertitudes de l’heure.

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