L’autoritarisme a changé, et notre approche face aux États autoritaires doit en faire autant

L’autoritarisme a changé, et notre approche face aux États autoritaires doit en faire autant

L’autoritarisme s’affirme dans le monde entier et les gouvernements démocratiques doivent changer leur approche pour relever les défis qu’il représente. Ou, à tout le moins, les démocraties se doivent d’être plus attentives à leur façon de gérer leurs relations avec les États autoritaires.  Malgré tout ce qui s’écrit sur le recul de la démocratie dans


L’autoritarisme s’affirme dans le monde entier et les gouvernements démocratiques doivent changer leur approche pour relever les défis qu’il représente. Ou, à tout le moins, les démocraties se doivent d’être plus attentives à leur façon de gérer leurs relations avec les États autoritaires. 


Malgré tout ce qui s’écrit sur le recul de la démocratie dans le monde et sur l’enracinement parallèle de l’autoritarisme, la façon dont les démocraties libérales ont et devraient gérer leurs relations avec les États autoritaires n’a guère été revue. La tendance a plutôt été de se rabattre sur des stratégies conventionnelles comme de vilipender l’autoritarisme ou encore d’imposer des sanctions aux régimes aux pratiques particulièrement flagrantes. Nous nous sommes également tournés vers les démonstrations de force de la part de blocs démocratiques ou encore les coalitions morales contre la dictature. Mais si nous voulons sérieusement mettre un terme au recul de la démocratie, nous nous y prenons de la mauvaise manière. La cohérence est essentielle à toute réflexion sur la manière dont nous devons nous attaquer à l’autoritarisme.

La nature de l’autoritarisme

En premier lieu, les démocraties libérales doivent mieux comprendre la nature de l’autoritarisme. Les États autoritaires ne forment pas un bloc cohérent et n’en ont jamais formé un. Les États à parti unique sont différents des juntes et des monarchies autocratiques, par exemple. Mais il est également essentiel de se rappeler que les décennies qui ont suivi la fin de la guerre froide ont donné lieu à une diversité croissante en termes d’autoritarisme. De nombreux États autocratiques se sont adaptés à la nouvelle prééminence des normes démocratiques au niveau international. Les gouvernements autoritaires ont appris à utiliser le langage de la démocratie libérale, ainsi qu’à en adopter les postures pour soutenir leur mainmise sur le pouvoir. 

Comme l’illustrent des régions telles que l’Afrique subsaharienne, les États autoritaires peuvent incarner des formes hybrides de gouvernance, en organisant des élections avec plusieurs partis et en proclamant des limites constitutionnelles au pouvoir, qu’elles soient appliquées ou non. Ces autoritarismes hybrides sont parfois le résultat d’un recul de la démocratie, alors que d’autres cas ils sont le résultat d’un adoucissement d’autoritarismes plus contrôlants et coercitifs. Si on connait de plus en plus de ce nouveau visage de l’autoritarisme, cette reconnaissance n’a pas abouti à une adaptation au niveau des approches. Alors que nombre de nos stratégies ont été élaborées en réponse à l’autoritarisme du passé, elles n’ont pas été revues pour mieux répondre à ces hybrides.

Une incohérence constante

Il est tout aussi important de noter que, malgré toutes les grandes déclarations sur l’importance des droits de la personne et la promotion de la démocratie, la communauté internationale n’a jamais été cohérente dans la pratique envers l’autoritarisme. Les réactions à l’autoritarisme ont généralement été spécifiques à certains pays et événements, reflétant des crises géopolitiques particulières, ou des cas de violations des droits de la personne, d’atrocités de masse ou des tragédies humanitaires particuliers. Les stratégies de dénonciation et le ciblage plus audacieux ont largement été réservées aux pires ‘délinquants autoritaires’. Mais même là encore les coups d’éclat face à l’autoritarisme ont été loin d’être cohérents : l’approche plus frontale n’a été déployée que dans le cadre de certaines crises, mais pas toutes, selon le degré d’attention médiatique par exemple ou en fonction de certains facteurs nationaux bien spécifiques.

En dehors de ces appels évidents et épisodiques à l’action, les États démocratiques ont eu tendance à traiter les autres régimes autoritaires comme n’importe quel autre partenaire ou pair. Le problème n’est pas tant que les États démocratiques soient ignorants des réalités autoritaires de certains États, comme certains les accusent trop rapidement de l’être. Mais lorsque les États démocratiques tendent à vouloir cibler les pratiques autoritaires de pays partenaires ou alliés, ils ont tendance à le faire indirectement. Ou encore ils choisissent d’y opérer par le biais de secteurs supposés être en marge des structures du pouvoir politique ou par l’entremise d’intermédiaires, tels que les acteurs de la société civile ou les médias, supposés être éloignés de l’appareil autoritaire. En d’autres termes, face à l’autoritarisme, la tendance est à l’indirect et à l’évitement du domaine politique, afin de maintenir des relations ouvertes et cordiales – ce qui est loin d’être une approche cohérente.

Des conséquences inattendues

Ce qu’on a donc vu se dessiner en réponse à l’autoritarisme, incluant hybride, est donc un ensemble de pratiques incohérentes et une réponse largement réactive à la montée de l’autoritarisme et au recul démocratique. Plutôt que de viser à gérer l’autoritarisme, nous le traitons comme une réalité malheureuse avec laquelle nous devons vivre, sauf lorsqu’une crise ou une catastrophe dans un pays particulier nous oblige à nous y attaquer directement. Mais l’incohérence peut avoir des conséquences importantes. Pour les partenaires autoritaires des États démocratiques, le signal envoyé est que l’enracinement autoritaire n’a que rarement des conséquences directes, surtout si les lignes rouges ne sont pas franchies.

Les dirigeants démocratiques savent certainement que les régimes autoritaires hybrides ne sont pas nécessairement attachés aux normes et principes démocratiques. Mais leurs structures bureaucratiques ont rendu difficile tout changement de cap en termes de pratiques. En effet, il existe des incitatifs organisationnels qui alimentent, aux niveaux national et international, l’incohérence face à l’autoritarisme. Dans des pays comme le Canada, par exemple, les relations internationales sont le fait de différents ministères et agences, et leur gestion souvent de nouveau subdivisée au sein de ceux-ci. En d’autres termes, l’engagement à l’international est divisé en différents domaines ou secteurs, et géré par toute une série de groupes ou sous-groupes distincts. 

Les relations avec les États autoritaires ne sont pas différentes. Divers acteurs politiques ou bureaucratiques se voient attribuer des responsabilités spécifiques ou une ‘chasse gardée’, ce qui conduit à une approche en silos envers les États autoritaires. Les fonctionnaires peuvent être conscients des réalités autoritaires, mais, du fait de cette division du travail, ils ne travaillent que dans leur domaine spécifique. Dans le cadre de leur silo, il devient alors possible d’ignorer cette réalité globale. Cette division du travail peut sembler être une bonne stratégie, favorisant des développements positifs dans des domaines hors de portée de la consolidation autoritaire. En réalité, elle ne défie en rien l’autoritarisme : les approches apolitiques cèdent du terrain aux gouvernements autoritaires pour qu’ils étendent leur contrôle du domaine politique. 

Il est également naïf de penser que ces initiatives sectorielles ou spécifiques ne peuvent pas être instrumentalisées par des régimes autoritaires. Un exemple éloquent est celui du Rwanda, qui est régulièrement présenté comme un champion de l’autonomisation des femmes et de la décentralisation, un travail soutenu par de nombreux bailleurs. En parallèle, le gouvernement rwandais réprime la dissidence et cible les opposants dans le pays et à l’étranger. Les partenaires du Rwanda peuvent penser qu’ils encouragent la démocratie au Rwanda là où ils le peuvent, mais se tourner vers des domaines prétendument non autoritaires a au contraire joué en faveur de la stratégie de consolidation du pouvoir du régime. Le gouvernement rwandais a renforcé son contrôle politique, les femmes auxquelles il a donné des moyens d’action sont généralement celles intégrées au système, et les politiques de décentralisation ont permis aux autorités d’être plus présentes au niveau local.

Le pendant international

Au niveau international, il est loin d’y avoir une approche commune lorsqu’il s’agit de relations avec les États autoritaires. L’un des principaux clivages se situe d’ailleurs entre les gouvernements individuels et les organisations internationales. Sur la base de conversations avec les diplomates et les acteurs du développement, il semblerait que les organisations internationales, telles que les agences des Nations Unies, ont entre autres tendance à minimiser les questions de gouvernance lorsqu’elles opèrent dans des États autoritaires. Bien qu’elles soient loin d’être les seules à porter le fardeau de l’incohérence, en tant qu’acteurs collectifs, les organisations internationales ont une tendance inhérente à ne pas soulever de questions litigieuses, telles que les pratiques de contrôle ou coercitives, surtout lorsqu’elles concernent directement leurs États membres. 

En d’autres termes, lorsque des occasions de discuter de l’autoritarisme se présentent, les représentants d’organisations internationales peuvent les court-circuiter pour soutenir leur(s) membre(s) et pour préserver le statu quo. Étant donné le rôle que ces organisations internationales jouent souvent en tant que forum rassembleur, aidant à fédérer l’engagement des autres acteurs étrangers, leur propension à éviter les questions de gouvernance limite les occasions d’aborder l’autoritarisme. Comme l’a par exemple noté un ancien agent canadien de développement au Rwanda, lorsque des efforts étaient faits pour soulever des questions de gouvernance dans des forums consacrés aux initiatives de développement, les représentants de certaines organisations internationales tendaient à les noyer pour ne pas faire de vagues.

Avant tout, ne pas nuire

Comment les démocraties libérales devraient-elles repenser leur approche envers les États autoritaires à une époque de recul mondial de la démocratie ? Elles n’ont pas nécessairement besoin d’une politique sur l’autoritarisme, comme certaines des politiques qui ont été développées par le passé sur la fragilité étatique ou encore la promotion de la démocratie. Ces efforts ont tendance à être éphémères, comme c’est souvent le cas avec ce type d’outils politiques. Les démocraties libérales doivent néanmoins s’engager de manière plus cohérente avec les États autoritaires. 

Si les pays démocratiques choisissent de faire de la promotion de la démocratie et des droits de la personne une véritable priorité à l’international, ils ont besoin de s’appuyer sur un dialogue plus clair entre les parties prenantes de cette relation afin de garantir qu’une main ne défasse pas le travail de l’autre. Quelles que soient les formes qu’il prend, l’autoritarisme est toujours un système. La gestion exclusive du pouvoir, comme l’autoritarisme l’implique, est rarement circonscrite aux institutions politiques formelles. En cherchant à centraliser le pouvoir et le contrôle politique, l’autoritarisme impacte et s’étend aux secteurs économiques et sociaux, ainsi qu’à la société civile. 

C’est pourquoi le fait de se tailler des chasses gardées dans lesquelles opérer ou encore d’envoyer des signaux contradictoires sera toujours voué à l’échec. Au pire, nous aurons involontairement contribué à la consolidation de l’autoritarisme et au recul de la démocratie.


Ce billet a été publié pour la première fois par Democracy in Africa


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Le blogue du CÉPI est écrit par des spécialistes en la matière.

Les blogs CIPS sont protégés par la licence Creative Commons: Attribution – Pas de Modification 4.0 International (CC BY-ND 4.0).


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L’autoritarisme a changé, et notre approche face aux États autoritaires doit en faire autant

L’autoritarisme a changé, et notre approche face aux États autoritaires doit en faire autant

L’autoritarisme s’affirme dans le monde entier et les gouvernements démocratiques doivent changer leur approche pour relever les défis qu’il représente. Ou, à tout le moins, les démocraties se doivent d’être plus attentives à leur façon de gérer leurs relations avec les États autoritaires.  Malgré tout ce qui s’écrit sur le recul de la démocratie dans


L’autoritarisme s’affirme dans le monde entier et les gouvernements démocratiques doivent changer leur approche pour relever les défis qu’il représente. Ou, à tout le moins, les démocraties se doivent d’être plus attentives à leur façon de gérer leurs relations avec les États autoritaires. 


Malgré tout ce qui s’écrit sur le recul de la démocratie dans le monde et sur l’enracinement parallèle de l’autoritarisme, la façon dont les démocraties libérales ont et devraient gérer leurs relations avec les États autoritaires n’a guère été revue. La tendance a plutôt été de se rabattre sur des stratégies conventionnelles comme de vilipender l’autoritarisme ou encore d’imposer des sanctions aux régimes aux pratiques particulièrement flagrantes. Nous nous sommes également tournés vers les démonstrations de force de la part de blocs démocratiques ou encore les coalitions morales contre la dictature. Mais si nous voulons sérieusement mettre un terme au recul de la démocratie, nous nous y prenons de la mauvaise manière. La cohérence est essentielle à toute réflexion sur la manière dont nous devons nous attaquer à l’autoritarisme.

La nature de l’autoritarisme

En premier lieu, les démocraties libérales doivent mieux comprendre la nature de l’autoritarisme. Les États autoritaires ne forment pas un bloc cohérent et n’en ont jamais formé un. Les États à parti unique sont différents des juntes et des monarchies autocratiques, par exemple. Mais il est également essentiel de se rappeler que les décennies qui ont suivi la fin de la guerre froide ont donné lieu à une diversité croissante en termes d’autoritarisme. De nombreux États autocratiques se sont adaptés à la nouvelle prééminence des normes démocratiques au niveau international. Les gouvernements autoritaires ont appris à utiliser le langage de la démocratie libérale, ainsi qu’à en adopter les postures pour soutenir leur mainmise sur le pouvoir. 

Comme l’illustrent des régions telles que l’Afrique subsaharienne, les États autoritaires peuvent incarner des formes hybrides de gouvernance, en organisant des élections avec plusieurs partis et en proclamant des limites constitutionnelles au pouvoir, qu’elles soient appliquées ou non. Ces autoritarismes hybrides sont parfois le résultat d’un recul de la démocratie, alors que d’autres cas ils sont le résultat d’un adoucissement d’autoritarismes plus contrôlants et coercitifs. Si on connait de plus en plus de ce nouveau visage de l’autoritarisme, cette reconnaissance n’a pas abouti à une adaptation au niveau des approches. Alors que nombre de nos stratégies ont été élaborées en réponse à l’autoritarisme du passé, elles n’ont pas été revues pour mieux répondre à ces hybrides.

Une incohérence constante

Il est tout aussi important de noter que, malgré toutes les grandes déclarations sur l’importance des droits de la personne et la promotion de la démocratie, la communauté internationale n’a jamais été cohérente dans la pratique envers l’autoritarisme. Les réactions à l’autoritarisme ont généralement été spécifiques à certains pays et événements, reflétant des crises géopolitiques particulières, ou des cas de violations des droits de la personne, d’atrocités de masse ou des tragédies humanitaires particuliers. Les stratégies de dénonciation et le ciblage plus audacieux ont largement été réservées aux pires ‘délinquants autoritaires’. Mais même là encore les coups d’éclat face à l’autoritarisme ont été loin d’être cohérents : l’approche plus frontale n’a été déployée que dans le cadre de certaines crises, mais pas toutes, selon le degré d’attention médiatique par exemple ou en fonction de certains facteurs nationaux bien spécifiques.

En dehors de ces appels évidents et épisodiques à l’action, les États démocratiques ont eu tendance à traiter les autres régimes autoritaires comme n’importe quel autre partenaire ou pair. Le problème n’est pas tant que les États démocratiques soient ignorants des réalités autoritaires de certains États, comme certains les accusent trop rapidement de l’être. Mais lorsque les États démocratiques tendent à vouloir cibler les pratiques autoritaires de pays partenaires ou alliés, ils ont tendance à le faire indirectement. Ou encore ils choisissent d’y opérer par le biais de secteurs supposés être en marge des structures du pouvoir politique ou par l’entremise d’intermédiaires, tels que les acteurs de la société civile ou les médias, supposés être éloignés de l’appareil autoritaire. En d’autres termes, face à l’autoritarisme, la tendance est à l’indirect et à l’évitement du domaine politique, afin de maintenir des relations ouvertes et cordiales – ce qui est loin d’être une approche cohérente.

Des conséquences inattendues

Ce qu’on a donc vu se dessiner en réponse à l’autoritarisme, incluant hybride, est donc un ensemble de pratiques incohérentes et une réponse largement réactive à la montée de l’autoritarisme et au recul démocratique. Plutôt que de viser à gérer l’autoritarisme, nous le traitons comme une réalité malheureuse avec laquelle nous devons vivre, sauf lorsqu’une crise ou une catastrophe dans un pays particulier nous oblige à nous y attaquer directement. Mais l’incohérence peut avoir des conséquences importantes. Pour les partenaires autoritaires des États démocratiques, le signal envoyé est que l’enracinement autoritaire n’a que rarement des conséquences directes, surtout si les lignes rouges ne sont pas franchies.

Les dirigeants démocratiques savent certainement que les régimes autoritaires hybrides ne sont pas nécessairement attachés aux normes et principes démocratiques. Mais leurs structures bureaucratiques ont rendu difficile tout changement de cap en termes de pratiques. En effet, il existe des incitatifs organisationnels qui alimentent, aux niveaux national et international, l’incohérence face à l’autoritarisme. Dans des pays comme le Canada, par exemple, les relations internationales sont le fait de différents ministères et agences, et leur gestion souvent de nouveau subdivisée au sein de ceux-ci. En d’autres termes, l’engagement à l’international est divisé en différents domaines ou secteurs, et géré par toute une série de groupes ou sous-groupes distincts. 

Les relations avec les États autoritaires ne sont pas différentes. Divers acteurs politiques ou bureaucratiques se voient attribuer des responsabilités spécifiques ou une ‘chasse gardée’, ce qui conduit à une approche en silos envers les États autoritaires. Les fonctionnaires peuvent être conscients des réalités autoritaires, mais, du fait de cette division du travail, ils ne travaillent que dans leur domaine spécifique. Dans le cadre de leur silo, il devient alors possible d’ignorer cette réalité globale. Cette division du travail peut sembler être une bonne stratégie, favorisant des développements positifs dans des domaines hors de portée de la consolidation autoritaire. En réalité, elle ne défie en rien l’autoritarisme : les approches apolitiques cèdent du terrain aux gouvernements autoritaires pour qu’ils étendent leur contrôle du domaine politique. 

Il est également naïf de penser que ces initiatives sectorielles ou spécifiques ne peuvent pas être instrumentalisées par des régimes autoritaires. Un exemple éloquent est celui du Rwanda, qui est régulièrement présenté comme un champion de l’autonomisation des femmes et de la décentralisation, un travail soutenu par de nombreux bailleurs. En parallèle, le gouvernement rwandais réprime la dissidence et cible les opposants dans le pays et à l’étranger. Les partenaires du Rwanda peuvent penser qu’ils encouragent la démocratie au Rwanda là où ils le peuvent, mais se tourner vers des domaines prétendument non autoritaires a au contraire joué en faveur de la stratégie de consolidation du pouvoir du régime. Le gouvernement rwandais a renforcé son contrôle politique, les femmes auxquelles il a donné des moyens d’action sont généralement celles intégrées au système, et les politiques de décentralisation ont permis aux autorités d’être plus présentes au niveau local.

Le pendant international

Au niveau international, il est loin d’y avoir une approche commune lorsqu’il s’agit de relations avec les États autoritaires. L’un des principaux clivages se situe d’ailleurs entre les gouvernements individuels et les organisations internationales. Sur la base de conversations avec les diplomates et les acteurs du développement, il semblerait que les organisations internationales, telles que les agences des Nations Unies, ont entre autres tendance à minimiser les questions de gouvernance lorsqu’elles opèrent dans des États autoritaires. Bien qu’elles soient loin d’être les seules à porter le fardeau de l’incohérence, en tant qu’acteurs collectifs, les organisations internationales ont une tendance inhérente à ne pas soulever de questions litigieuses, telles que les pratiques de contrôle ou coercitives, surtout lorsqu’elles concernent directement leurs États membres. 

En d’autres termes, lorsque des occasions de discuter de l’autoritarisme se présentent, les représentants d’organisations internationales peuvent les court-circuiter pour soutenir leur(s) membre(s) et pour préserver le statu quo. Étant donné le rôle que ces organisations internationales jouent souvent en tant que forum rassembleur, aidant à fédérer l’engagement des autres acteurs étrangers, leur propension à éviter les questions de gouvernance limite les occasions d’aborder l’autoritarisme. Comme l’a par exemple noté un ancien agent canadien de développement au Rwanda, lorsque des efforts étaient faits pour soulever des questions de gouvernance dans des forums consacrés aux initiatives de développement, les représentants de certaines organisations internationales tendaient à les noyer pour ne pas faire de vagues.

Avant tout, ne pas nuire

Comment les démocraties libérales devraient-elles repenser leur approche envers les États autoritaires à une époque de recul mondial de la démocratie ? Elles n’ont pas nécessairement besoin d’une politique sur l’autoritarisme, comme certaines des politiques qui ont été développées par le passé sur la fragilité étatique ou encore la promotion de la démocratie. Ces efforts ont tendance à être éphémères, comme c’est souvent le cas avec ce type d’outils politiques. Les démocraties libérales doivent néanmoins s’engager de manière plus cohérente avec les États autoritaires. 

Si les pays démocratiques choisissent de faire de la promotion de la démocratie et des droits de la personne une véritable priorité à l’international, ils ont besoin de s’appuyer sur un dialogue plus clair entre les parties prenantes de cette relation afin de garantir qu’une main ne défasse pas le travail de l’autre. Quelles que soient les formes qu’il prend, l’autoritarisme est toujours un système. La gestion exclusive du pouvoir, comme l’autoritarisme l’implique, est rarement circonscrite aux institutions politiques formelles. En cherchant à centraliser le pouvoir et le contrôle politique, l’autoritarisme impacte et s’étend aux secteurs économiques et sociaux, ainsi qu’à la société civile. 

C’est pourquoi le fait de se tailler des chasses gardées dans lesquelles opérer ou encore d’envoyer des signaux contradictoires sera toujours voué à l’échec. Au pire, nous aurons involontairement contribué à la consolidation de l’autoritarisme et au recul de la démocratie.


Ce billet a été publié pour la première fois par Democracy in Africa


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